Le gouvernement vote une hausse des prix des livres vendus en ligne.

Logo AmazonVous connaissez la pétition des fabricants de chandelles ? Il s’agit d’un joli sophisme écrit par l’économiste Frédéric Bastiat pour dénoncer protectionnisme et théorie de la disette des producteurs. Ces arguments, nous les entendons tous les jours par des secteurs qui se meurent.

Ce 3 octobre, les députés votaient une Loi pour réguler la vente en ligne des livres. La cible principale : Amazon, accusé de pratiquer du dumping en cumulant réduction de 5% et frais de port gratuit. Si cette décision est déjà qualifiée par beaucoup de Loi anti-Amazon, elle vise tous les marchands en ligne, bien que dans la pratique, une seule autre enseigne pratique la même politique, la Fnac.

L’amendement a donc été adopté ce 3 octobre.

L’amendement sur le prix des livres

Cet amendement ajoute ces deux lignes à l’article sur le prix des livres :

Lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres, le prix de vente est celui fixé par l’éditeur ou l’importateur. Le détaillant peut pratiquer une décote à hauteur de 5 % de ce prix sur le tarif du service de livraison qu’il établit.

Pour une fois, l’article est assez claire. Les ventes en ligne devront appliquer le prix éditeur et ne pourront pas pratiquer une réduction de 5% tel que le prévoit jusqu’ici la Loi 81-766 du 10 août 1981. Elles pourront par contre pratiquer une réduction sur le prix de livraison à hauteur de 5% du prix du livre.

Gothic Study Trey Ratcliff

The Gothic Study (T.Ratcliff, Stuck in Customs)

Amazon et la Fnac offrent systématiquement les frais d’envois des livres, dans ce contexte, ils ne peuvent plus pratiquer une réduction du prix des livres. Les libraires peuvent toujours le faire.

Dans tous les cas, cela signifie que le prix des livres en ligne augmentera, lorsque ce texte sera promulgué, de 5% pour ces enseignes. Car ce texte concerne évidemment tous les marchands en ligne…

Tous logés à la même enseigne ?

Revenons au début de l’amendement : Lorsque le livre est expédié à l’acheteur et n’est pas retiré dans un commerce de vente au détail de livres…

Donc par contre, si vous achetez en ligne et choisissez de retirer le livre chez un libraire, alors le marchand est autorisé à pratiquer une décote de 5%… Quel est le premier bénéficiaire de ce texte ? La Fnac en effet.

La Fnac, doublement gagnante

Aujourd’hui, la Fnac a la même politique qu’Amazon, elle offre les frais de port pour les livres tout en pratiquant une décote de 5%. Pour d’autres produits, elle offre les frais de port pour un retrait en magasin. Si votre commande est un livre et que vous retirez le livre en magasin, vous le retirez dans un commerce de vente au détail de livres… Donc la Fnac est autorisée en plus des frais de port gratuit à vous proposer 5 % de réduction…

Dans la pratique, tout marchand qui a des enseignes en dur pourra appliquer cette réduction. Amazon en particulier ne pourra le faire que pour des livraisons à certains points de retrait. Mais une enseigne comme la Fnac est gagnante sur un second point.

Aller retirer sa commande dans un point de retrait a ses contraintes, mais nul doute que certains choisirons ce retrait en magasin. Vous connaissez le principe du marketing, le premier objectif est de faire franchir au client le pas de la porte… Voilà comment avec une simple Loi qui a pour vocation de préserver les réseaux de distribution de livres, l’État favorise certains acteurs au détriment d’autres.

Conséquence pour les libraires indépendants

Revoyons donc les conséquences pour les différents acteurs.

  • Les pure players web comme Amazon qui offrent 5% de réduction systématique et frais de port verront leurs tarifs augmenter de 5%.
  • Les pure players web qui pratiquent les 5% mais appliquent des frais d’envois ne pourront plus pratiquer les 5% en tant que tel et devront les transférer sur les frais d’envois. Le cout chez ces vendeurs pourra augmenter pour certains achats.
  • Les enseignes qui ont des librairies en dur, dans le cas d’une commande avec retrait en magasin (comparable à une commande chez un libraire) pourront pratiquer des prix attractifs, mais auront aussi gagné de faire venir le client en magasin.

Les grands gagnants sont donc les enseignes qui vendent en ligne et possèdent une librairie en dur. L’impact pour l’acheteur en ligne sera alors que soit il payera ses livres plus chère, soit il se tournera vers ces enseignes hybrides.

Et pour nos libraires de quartier qui ne font pas de vente en ligne ? Rien ne change. Au mieux, si le consommateur a le choix entre commander en ligne un livre qui est maintenant au prix éditeur et qu’il recevra chez lui ou aller chez le libraire pour payer le livre au même prix (le plus souvent) avec le risque qu’il ne l’ai pas en stock et qu’il faille le commander, il se peut qu’il aille chez le libraire. Mais dans la pratique, qui y crois vraiment ?

La théorie de la protection de nos filières

L’objectif de la Loi Lang était de protéger la filière de vente de livres, et en conséquence, la culture. Quel impact aura-elle réellement ? D’après un article des Echos, 13% des français ont leurs habitudes d’achat sur Internet. Ceci est cohérent avec les répartitions présentées par le Huffington Post pour qui les ventes en ligne représentent 10% es parts de marché (il faut que je retrouve la référence). Amazon, premier visé par cet amendement, n’occupe donc dans la vente de livres que moins de 10% . Mais Amazon est surtout visé pour ses pratiques fiscales qui risquent de nuire à nos commerces. Quelle est l’ampleur de la menace ? La chute de Virgin est certainement un bon indicateur. Mais si on se réfère au début de l’année, le secteur était encore dynamique.

Cet article souligne déjà les difficultés des petites librairies de quartier. Mais non pas du fait de la menace d’un géant expert de l’évasion fiscale, mais pour le rapport entre leur rentabilité et charges. Est ce que cet amendement va changer quelque chose ? Non, pire, elle risque de faire d’autres victimes parmi les petits : les petites librairies qui se sont lancé dans la vente en ligne. On retrouve un argumentaire complet sur le site ActuaLitté.

Nos élus ont fait front commun sur cet amendement. Mais dans la pratique, il en ressort qu’il n’aurai comme simple conséquence que d’augmenter le cout des livres pour une partie de la population et de mettre en difficulté certains petits libraires.

À propos de... Darko Stankovski

iT guy, photographe et papa 3.0, je vous fais partager mon expérience et découvertes dans ces domaines. Vous pouvez me suivre sur les liens ci-dessous.

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