Mise en demeure de LinuxFr : quand une agence Web découvre le Web
Ce vendredi 31 mai 2013, le site d’information LinuxFr reçoit sa première mise en demeure. Non, l’association n’est pas en difficultés financières. Une entreprise se sent discrédité dans les forums de LinuxFr et par la voix de son avocat, les somme de supprimer les commentaires et exige une indemnité pour les frais engagés. LinuxFr a bien entendu rendu l’affaire publique provoquant comme attendu un bel effet Streisand.
J’ai attendu de voir la réaction de la société en question et ne pas réagir sur le coup de la passion. Et là, nous avons un beau cas d’école de mauvaise société.
Les faits
La société Linkeo (non, je ne met pas de lien) publie sur le forum LinuxFr une annonce pour un CDI administrateur Système et Réseaux Open Source. Le lendemain, Macwick intervient en posant une question assez originale :
Pourriez vous nous donner des raisons objectives de nous intéresser a votre entreprise,
s’en suit une liste de reproches techniques à propos du site de Linkeo et se conclut par un…
S’il vous plait, rassurez moi…
… très justifié. Linkeo se veut une agence Web et leur site devrait être la vitrine de leur savoir faire.
La mise en demeure
Ce 31 mai, LinuxFr rend publique leur réception de leur Mise en Demeure. Celle-ci demande la suppression du message litigieux et une indemnisation de 1500 € (je rappelle que LinuxFr est une association) pour les frais engagés.
La réaction de la communauté
Cette intervention porte-t-elle préjudice à la société Linkeo ? Oui, il y a un discrédit. Est-il acceptable de demander la suppression de cette intervention ? Évidemment. Est-ce que cela aurai froissé la communauté du Libre ? Peut être un peu, mais elle l’aurai accepté.
Ce qu’elle n’accepte pas par contre, c’est l’appel directe à un avocat sans aucun autre contact et en conséquence cette demande d’indemnisation. Lionel Dricot alias Ploum est la première personnalité influente à intervenir. Il enchainera par un billet sur son blog, ploum.net exposant son opinion sur la mise en marche de l’appareil juridique dans cette situation. Bien entendu, Manuel Dorne alias Korben relaie aussi l’info.
Évidemment, l’affaire est relayée par un grand nombre, il n’y a qu’à voir le nombre de posts sur Google+ ou Twitter.
La réponse de Linkeo
Il faudra attendre 6 heures plus tard, vers 18 heures pour voir une intervention de la société Linkeo, sur sa page Facebook. Mais cette intervention n’est pas pour redorer son blason. Linkeo s’excuse non pas de la manière de faire mais de la polémique engendrée… Pire, vu l’ampleur qu’a pris l’affaire, on aurai pu s’attendre à une communication soignée mais Linkeo parle de Linuxrf… Le reste de l’intervention est tout aussi paradoxal, il n’est pas question de discrédit vis à vis de la société mais de blesser les salariés…
Une heure plus tôt, PC INpact avait pris contact avec Linkeo et relate les échanges. À les lire, ils ne sont pas très convaincus non plus…
Les conséquences médiatiques et l’aberration des acteurs
Linkeo subit donc en ce moment une série de critiques. Mais les internautes ont commencé à creuser et à déterrer d’autres affaires passées. C’est évidemment une publicité dont la société se serait bien passée. Mais cette situation est aberrante, tout du moins en théorie.
Linkeo est une agence Web proposant des services d’E-Marketing, référencent, de communication sur les réseaux sociaux… Une société avec ces compétences ne devrait pas se retrouver dans cette situation. Comme l’a fait remarquer Korben, un bon community manager aurai étouffé l’affaire dans l’oeuf. Linkeao n’a certes pas bien géré au début, mais leurs réponses sont loin de rattraper le coup.
Savoir se vendre, c’est également nécessaire pour les sociétés
Depuis récemment, pour les embauches de développeurs, on ne se contente plus d’un CV. On demande parfois de fournir l’URL d’un GitHub ou équivalent. On veut voir ce que vous savez faire. Pour une agence Web, son site devrait être sa vitrine. Macwick a justement relevé les défauts ce qui en soit discrédite la société sur son coeur de métier.
Mais soyons honnête, toutes les société de service répondent à l’adage Les cordonniers sont les plus mal chaussés. Leurs meilleurs éléments travaillent pour des clients et plus globalement, travailler pour des clients, c’est facturer. Attribuer une ressource à mettre en conformité certains détails du site de la société ne rapporte rien. Donc oui, ce sont souvent des stagiaires qui sont affectés à cette tâche. Pour ma part, je peux comprendre que la carte de visite d’une agence Web ne soit pas son site mais ceux de ses clients. Linkeo aurai pu proposer ce type de réponse à Macwick, après tout vu le niveau technique de ses remarques, il doit avoir une notion des réalités économiques des sociétés.
La Loi ou la réputation ?
Aussi, ce qui risque finalement d’être préjudiciable à Linkeo dans cette histoire, ce n’est pas le discrédit de leur site, mais la mauvaise gestion d’un mauvais buzz. Comment peut on mettre son e-réputation dans les mains d’une société qui se laisse dépasser pour la sienne ? Voici un cas qui va peut être faire école, il est assez facile de camoufler ses échec quand ils concernent ses clients. Même lésé, le client ne communiquera pas là dessus. L’épreuve du feu, c’est finalement quand ça vous concerne.
Mais des cas comme ceux-là mettent aussi en évidence un certain changement dans le rapport des forces et dans les institutions. Les sociétés avaient l’habitude de faire appel à la voie juridique pour maitriser leur image. Or dans notre société de l’information, l’information circule plus vite que les mises en demeure. Et même celles-ci sont rendues publiques. La conséquence peut être très préjudiciable pour la réputation de la société. Elles doivent donc apprendre à gérer leur image dans un contexte où l’information circule bien vite…
Et vous, comment choisissez vous votre employeur ? Comment choisissez vous votre prestataire ?
À propos de... Darko Stankovski
iT guy, photographe et papa 3.0, je vous fais partager mon expérience et découvertes dans ces domaines. Vous pouvez me suivre sur les liens ci-dessous.
Le site web d’une agence web est sa vitrine. Son entretien ne rapporterait pas de cash ? Allez vous chez un boucher dans la vitrine est maculée de saleté ?
Ne pas avoir conscience de ceci, c’est surtout inquiétant pour d’éventuels employés qui pourrait douter du « business model » et donc de la pérénité de cette entreprise.
Pour ma part, mon employeur actuel avait quelques soucis pour m’envoyer des emails, car leur configuration SPF (je laisse les gens ne connaissant pas le SPF chercher DNS SPF Spam sur un moteur de recherche) n’était pas conforme. je leur ai signalé, ils ont corrigé et m’ont meme remercié. ils m’ont aussi embauché, mais je pense qu’ils l’auraient fait sans cette communication. bizarrement mon employeur précédent avait aussi un souci sur son mailer, qui annoncait un hostname local (mailer.intranet) lors de ses communications avec l’extérieur, ce qui posait probleme. ils m’ont expliqué que « oui, c’est vrai c’est genant, mais vous pouvez me rappeler pourquoi deja ? » j’y suis resté 6 mois, et l’équipe dont je faisais partie s’est réduite comme peau de chagrin…
Doktoil, je pense que votre comparaison avec le boucher est mauvaise. Pour les clients de Linkeo, comme pour beaucoup de webagency de ce type, la vitrine est juste le visuel de leur site et elle est assez belle (à chacun d’apprécier, mais ça flash le gogo). Ces clients ne sont pas des techniciens, ils ne regardent en général pas le code source, tout comme chez le boucher, vous vous posez rarement la question de savoir comment ont été préparé les paupiettes. Les décideurs qui signeront le contrat veulent voir quelque chose qui ressemble à leur attentes mais se fichent de savoir comment cela sera réalisé.
Je vous rejoins sur le fait que c’est dommageable pour le moral de certains employés. Je pense que vous êtes témoins que dans la plupart des structures, c’est le Market qui est aux commandes et ce qui l’intéresse, c’est le ROI, pas la dette technique. Oui, c’est mauvais pour le moral en interne des professionnels perfectionnistes dont vous et moi faisons parti (j’ai quité des sociétés et missions pour des raisons similaires). Ce personnel compétent aura du mal à rester mais ce type de société sait se contenter d’une main d’oeuvre… je dirai peu motivée qui se contente d’un travail alimentaire et… qui est peu chère…
Ce Business Model marche encore car beaucoup de clients ne sont pas prêt à mettre le prix d’une bonne réalisation et ne regardent pas la « qualité ».
En effet, mon idéalisme m’a un peu emporté ce matin. Je fais (mal)heureusement parti des gens qui demanderont au boucher comment il a préparé ses paupiettes, et d’ou vient la viande, etc… et cette quête d’en savoir plus m’aveugle parfois sur les motivations différentes qui animent certains des décideurs…